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Le long chemin d’Alex Belzile

par Marc Dumont

MONTRÉAL – La route est longue pour arriver au sommet.

Gwinnett, Hamilton, Anchorage, Boise, Fort Wayne, San Antonio, Loveland et Laval.

S’il est courant que les joueurs de hockey visitent une multitude de villes tout au long de leur carrière, très peu d’entre eux disputent leurs matchs à domicile dans huit villes différentes en huit ans, en plus de jouer dans deux ligues différentes tout en ayant l’œil sur une troisième.

Le parcours professionnel qui a conduit Belzile à Laval est tout sauf ordinaire.

La carrière de l’attaquant jamais repêché était déjà incertaine avant même de commencer.

Nous sommes en 2012. Le lock-out de la LNH bat son plein. Des centaines de joueurs de la LNH font leurs valises pour rejoindre de nombreuses ligues dans le monde entier, en cherchant avant tout à occuper les postes au sein de la Ligue Américaine.

Un surplus de joueurs de la LNH dans la Ligue Américaine entraîne un surplus de joueurs de la Ligue Américaine dans la ECHL.

Et tandis que les vétérans professionnels se sont installés dans un rôle qui leur est familier, de nombreux joueurs sont restés en attente.

Des joueurs comme Belzile.

Brad Treliving, l’ancien directeur général de Portland, était en train de dresser une liste de joueurs qui seraient envoyés dans la ECHL pour jouer pour la filiale des Coyotes, les Gladiators de Gwinnett. La plupart d’entre eux avaient des contrats de la LNH ou de la Ligue Américaine.

Le nom d’Alex Belzile n’était pas sur la liste.

Mais Treliving ne l’avait pas oublié.

«Nous avons ce jeune Québécois vraiment intrigant. Tu dois le voir», a-t-il indiqué à l’entraîneur-chef John Wroblewski, le même qui supervisera les 72 buts marqués par Cole Caufield avec l’équipe nationale américaine des moins de 18 ans en 2018-19.

«J’ai fait quelques recherches et j’ai suivi les conseils de Trev», décrit Wroblewski.

Ils se sont finalement mis d’accord sur un contrat de recrue, mais même là, il a fallu une blessure pour permettre une telle opportunité.

Malgré le trop-plein de joueurs et le manque de places dans les équipes, Belzile a obtenu son premier contrat professionnel.

Et il était sur le point d’apprendre une leçon très importante.

Le talent ne suffit pas.

«Il était un peu en retard par rapport aux autres. On ne pouvait pas l’ignorer», explique Wroblewski. «Mais on voyait qu’il avait le talent individuel nécessaire.»

«Il essayait d’utiliser ce talent individuel trop souvent, au début.»

Ce début laborieux force Wroblewski à rayer Belzile de la formation des premiers matchs.

«Il l’a pris comme un pro», dit Wroblewski, «En même temps, on pouvait voir qu’il avait probablement des pensées très différentes. Il faut reconnaître que sa réaction illustre bien le genre de personne qu’il est. Cela montre sa capacité à persévérer. Il n’allait pas se laisser abattre par une mauvaise nouvelle. Il l’a utilisé comme motivation».

N’oubliez pas qu’il s’agit d’un jeune joueur qui arrive en Géorgie en provenance de la «mégapole» connue sous le nom de Saint-Éloi, une ville francophone qui longe le fleuve Saint-Laurent et qui compte un peu plus de 200 habitants.

Mais c’est son attitude face à ce choc culturel et à ses débuts difficiles qui fera de Belzile le joueur qu’il est devenu aujourd’hui

«Il y a eu une période d’apprentissage, et je n’ai pas tout compris, mais cela m’a fait sortir de ma zone de confort, et cela a payé à long terme.»

«J’ai compris. Je venais d’arriver dans une nouvelle ligue, dans une nouvelle équipe, et je commençais au bas de l’échelle. Cela fait partie du processus pour un jeune joueur. Ce n’est pas toujours par manque de production que l’on est rayé de la formation, et c’est une bonne leçon pour les jeunes joueurs. L’entraîneur ne te déteste pas quand il te laisse de côté. C’est souvent le contraire. Pour moi, il a envoyé le message que je devais m’améliorer, que je devais faire mieux».

Et il s’est amélioré.

Après un départ difficile, Belzile est devenu l’un des meilleurs joueurs de l’équipe, donnant raison à Wroblewski.

Mais il y a une présence particulière sur la glace qui est ressortie du lot. Une présence qui est restée gravée dans la mémoire de Wroblewski jusqu’à aujourd’hui.

Les Gladiators affrontaient les Everblades de la Floride juste avant la fin du lock-out de la LNH.

De l’autre côté de la glace, en face de Belzile, se trouvaient deux défenseurs de la LNH qui jouaient à l’époque dans la ECHL: Ryan O’Byrne et Mark Stuart.

«La recrue enlève la rondelle à O’Byrne, un défenseur de la LNH, puis fonce vers le filet et marque de nulle part.»

Une révélation pour tout le monde, sauf peut-être pour Belzile.

«C’est là que j’ai su», décrit Wroblewski. «Ce jeune sait jouer! Il peut passer au niveau supérieur, et qui sait jusqu’où il peut aller.»

L’ascension de Belize était loin d’être terminée.

Une grave blessure, sa première commotion cérébrale, a freiné sa carrière après un passage impressionnant chez les Bulldogs de Hamilton.

Il a ensuite déménagé en Alaska, en Idaho, à Fort Wayne, à San Antonio et au Colorado, avant de signer un contrat avec le Rocket de Laval, où il s’est imposé comme l’un des leaders incontestés du vestiaire. Ce statut est resté inchangé la saison dernière, malgré le fait que Belzile ait manqué la majeure partie de l’année en raison d’une blessure aux pectoraux, dont il s’est complètement remis.

«C’est toujours utile d’avoir quelqu’un comme ça dans le vestiaire», explique Jake Evans, qui a terminé deuxième meilleur marqueur derrière Belzile en 2018-19. «Il n’est pas seulement heureux quand il performe bien, il est heureux quand ses coéquipiers connaissent du succès. Il va toujours leur parler»

Ayant lui-même fait face à l’adversité, Belzile est toujours prêt à prêter main-forte à une recrue désorientée, ou même un vétéran en difficulté, malgré le risque qu’il soit en train d’aider un joueur à le dépasser dans l’alignement.

Âgé de 28 ans, Belzile sait qu’il n’est pas le plus jeune. Il doit travailler fort pour faire partie de la formation des Canadiens. Le même type de travail acharné qui lui a valu une invitation au week-end des étoiles de la Ligue Américaine en 2018-19. Mais comme d’habitude, c’est son attitude positive inébranlable qui prend le dessus.

«Chaque fois que j’arrive à la patinoire, je suis dans mon élément», a indiqué Belzile. «Je suis immédiatement dans le bon état d’esprit pour jouer. Et tout commence par une énergie positive.»

Au-delà de sa capacité à persévérer, Belzile rayonne partout où il va. Dès qu’il arrive à la patinoire, on le voit généralement avec un sourire radieux, même s’il regarde son équipe s’entraîner alors que son bras est dans un plâtre.

«Ce n’est vraiment pas difficile pour un vétéran de parler aux jeunes joueurs lorsqu’ils sont inquiets ou nerveux», dit-il. «Et parfois, ça arrive de se rendre à la patinoire et de ne pas avoir beaucoup de motivation pour y donner le meilleur de soi-même. Mais en apportant une attitude positive, on peut résoudre ces problèmes»

Son attitude positive, combinée à une confiance absolue en ses capacités, lui a bien servi.

Il considère son passage dans la ECHL et la Ligue Américaine comme un tremplin vers son but ultime: devenir joueur dans la LNH.

«Je vois cela comme un passeport vers l’amélioration», a expliqué Belzile. «J’ai appris et je me suis amélioré dans chaque ville. Faire face à l’adversité à un jeune âge m’a beaucoup aidé.»

Bien que nous soyons rapides à souligner la valeur du leadership, en particulier dans la Ligue Américaine, ce serait une erreur de considérer Belzile simplement comme un bon vétéran.

Il est un bon vétéran, absolument.

Mais il est aussi un très bon joueur de hockey, un joueur qui a encore beaucoup à donner.

«Il travaille tellement dur et se bat pour chaque jeu», indique Evans. «C’est ce qui fait de lui un si bon joueur, il est très difficile à affronter. C’est vraiment compliqué de lui enlever la rondelle. Il est bon défensivement, excellent pour récupérer des rondelles, et il peut les mettre dans le filet aussi. C’est un joueur très intelligent.»

«Ce gars ne s’arrête jamais».

Wroblewski, qui n’a pas entraîné Belzile depuis plus de huit ans, a rapidement émis un avis similaire.

«Je me souviens très bien de sa ténacité, conjuguée à sa capacité à voler des rondelles et créer des jeux», a déclaré Wroblewski. «Tout d’un coup, la rondelle est au fond du filet. Il est extrêmement talentueux et travaille très fort».

«Mais ce qui ressortait vraiment, c’était son amour du sport.»

Ah, l’amour du sport.

C’est peut-être un cliché. Cela peut ne rien vouloir dire. Et il est souvent utilisé à tort.

Mais de temps en temps, cela correspond parfaitement à la carrière et la personnalité d’un athlète.

«Je n’essaie pas d’être quelqu’un d’autre», déclare Belzile. «Je suis simplement moi-même. J’aime aider, j’aime être entourée de gens. Je suis passionné. J’aime le hockey autant que lorsque j’avais 10 ans et que je jouais sur la patinoire municipale de Saint-Eloi».

«J’ai de la chance de faire ce que j’aime dans la vie. C’est pourquoi je ne m’arrêterai jamais. Mais chaque jour, dès que j’arrive à l’aréna, j’ai un but : je vais m’améliorer».